Sora marchait d’un pas souple et léger dans le bâtiment principal de l’Académie. Elle devait s’entretenir avec le Directeur afin de prendre des congés. Elle souhaitait se rendre dans sa résidence secondaire en bord de mer, dans la ville voisine de celle où se situait l’Académie.

Aimant particulièrement l’eau, Sora se dit que ce serait l’endroit parfait pour méditer et se sortir de toute l’agitation qui pourrait régner autour d’elle dans les prochaines semaines en plus de celle dont elle avait déjà été victime en début d’année. De l’agitation, pour sûr qu’il y en aurait, une décision importante devait se prendre au Sénat. Et qui dit décision, dit discussion, négociations, pourparlers, et on en passe. De plus, Sora ne savait pas trop de quoi il en retournait. Ayant pris un peu de recul le mois passé, elle s’était peu intéressée à ce qui se faisait au Sénat. Shinsei, son majordome le plus fidèle, lui avait fait un bref résumé des derniers événements, malheureusement, il n’était pas haut placé dans la hiérarchie et on le mettait très peu au courant de ce qui se faisait dans les hautes sphères du Sénat, ce qui ne lui permettait pas de faire des rapports très détaillés à Sora. Enfin, elle saurait bien assez tôt de quoi il s’agissait étant donné que sa présence avait été « expressément » requise.

Elle s’était donc dit que des vacances ne seraient pas du luxe avant de commencer un dossier qui semblait épineux à première vue. C’était la raison pour laquelle elle se rendait dans le bureau de son cher ami Kaien. Tout dans sa démarche et sa cadence semblait indiquer qu’elle était calme et sereine, mais ce n’était pas le cas. On peut dire que Sora était assez tendue. Elle était sur le qui-vive et répondait avec mépris aux gens, mais elle restait toujours polie et respectueuse. Et il faut croire qu’elle n’avait pas de chance aujourd’hui.

En se dirigeant vers le bureau, elle croisa un jeune professeur de la Day Class, qui s’était épris de nombreuses filles de la Night Class. Il était vrai que les Vampiresses étaient jolies, pas plus jolies que les humaines, mais elles dégageaient une prestance et une élégance qu’une humaine n’avait pas toujours. Le jeune professeur avait commencé comme suit :

« Mademoiselle Tsukiyo ! Quel plaisir de vous voir en cette fin d’après midi… »

Sora ne lui avait pas laissé le temps de continuer et répondit :

« Bonjour Sensei ! Malheureusement, je ne puis dire que le plaisir est partagé… » en souriant doucement.

Et la réaction du professeur fut assez drôle à observer, il la regardait avec des yeux de merles en frit, le bouche ouverte. Sora poursuivit donc :

« Veuillez m’excuser, j’ai des obligations que je me dois de remplir. » elle allait partir mais avança devant lui et vint fermer sa bouche : « Il serait fâcheux que vous vous étouffiez avec une mouche, Sensei. » Et elle commença à partir, malheureusement pour elle, le professeur reprit ses esprits et l’envoya en retenue.

Quel comble pour une Sang pur, aller en retenue simplement parce qu’elle ne cédait pas aux avances d’un humain. Au départ, elle avait voulu l’ignorer, mais elle se devait de montrer l’exemple et d’accepter d’aller injustement en retenue, cela aurait été mal vu qu’une Sang pur tienne tête à un professeur humain, les gens auraient encore jasé.

Elle arriva devant la salle et s’arrêta dans l’encadrement de la porte. Elle allait dire bonjour au vampire déjà présent quand celui-ci la prit de court et lui souhaita la bienvenue. Elle mit sa délicatement son poing devant sa bouche pour rire doucement et avancer gracieusement vers lui :

« Je te remercie de l’accueil, Ichijo-kun. »

Sora avançait toujours vers Ichijo en souriant. Elle avait toujours trouvé le vice-président amusant et plein de bonne humeur. Elle était sûre que jamais on ne s’ennuyait en sa compagnie. Il n’y avait qu’à le regarder pour émettre ce genre d’hypothèse. Un jeune homme blond aux magnifiques yeux verts, toujours un sourire sur le visage, gentil en toute circonstance… Pas étonnant qu’il soit autant admiré et adulé des jeunes filles de la Day Class et même de certaines vampiresses. Elle finit par s’asseoir en face de lui, posant son coude sur la table en faisant également reposer sa joue sur sa paume, regardant, un sourire amusé sur les lèvres, Ichijo parler à une vitesse folle. Comme si le temps était compté.

Elle ne pouvait s’empêcher d’être de bonne humeur. Elle n’avait jamais vraiment abordé Ichijo. Elle connaissait son grand-père, Ichijo Asato, étant donné qu’il était son « supérieur » direct au boulot. Ichijo Asato, le Patriarche du Sénat. On peut clairement dire que Sora ne l’estimait pas beaucoup. A vrai dire, elle ne l’aimait vraiment pas, elle ne supportait pas ses manies et les petits airs qu’il se donnait. Mais en bonne Sénatrice de Sang pur, jamais elle n’avait eu un comportement déplacé en sa présence. Il aurait trop apprécié de pouvoir avoir quelque chose à dire sur les Sang pur. Elle ne l’aimait pas non plus car il était bien trop doucereux avec elle. Elle n’aimait pas les hypocrites, et le Patriarche était la définition même de cet adjectif.

C’était en partie à cause du dégout et du mépris que le Patriarche lui inspirait qu’elle n’avait jamais voulu parler à son petit-fils. Ce n’était pas contre ce dernier, mais elle avait été têtue là-dessus. Mais maintenant, elle ne regrettait pas de converser un peu avec lui. Elle rigola en entendant Ichijo parler d’Aido.

« Qu’a donc pu encore faire ce cher petit Aido Hanabusa pour que tu sois énervé de la sorte ? » en lui souriant malicieusement et le regardant dans les yeux. Elle ajouta, plus pour elle-même, mais elle était sûre qu’il l’avait entendue : « Je comprends pourquoi Kaname apprécie ta compagnie. »

Il était vrai que Kaname ne devait pas s’ennuyer avec lui. Mais elle se disait aussi que le Sang pur devait également abuser de sa gentillesse. Elle ne pouvait rien y faire, après tout, chaque Sang pur avait toujours un « ami » sur qui il pouvait compter. Puis elle se recentra sur lui quand il lui demanda pourquoi elle était en retenue, elle aussi. Elle passa sa main dans ses cheveux, pour les remettre en place et regardant avec un faux air sadique Ichijo :

« Disons qu’un jeune Professeur de la Day Class a eu besoin qu’on lui rappelle sa place. » en montrant ses crocs pour le faire stresser, cela l’amusait et elle attendait de voir sa réaction, limite impatiente.

Comme à son habitude, Sora fixait Ichijo. Des tonnes de pensées s’entrechoquaient dans sa tête. Pourtant, son visage ne le montrait point. Elle affichait un visage quasi serein agrémenté d’un léger sourire amusé. Elle appréciait la compagnie du jeune Ichijo. Elle était presque heureuse que l’antipathie n’était pas génétique. Sinon le pauvre, à cause d’un grand-père méprisant et imbu de sa personne, il serait comme lui. Triste destin, selon Sora bien entendu. Mais ici, il n’était pas du tout question de cela, tout était bien.

La présence d’Ichijo était apaisante. Son ton jovial et enfantin, son visage avenant, ses petites mimiques. Tout lui rappelait une jeune enfant de 8 ans qu’elle connaissait extrêmement bien. Elle la connaissait de haut en bas, de gauche à droite, à l’endroit et à l’envers… Il s’agissait d’elle-même. Avant que l’incident tragique ne survienne et ne gâche tout. Lui enlève tout ce qu’elle possédait de bien. Son port n’était plus, de plus, son ancre était altérée. Elle avait été condamnée injustement à errer sans jamais trouver un nouveau port où amarrer. Ses yeux habituellement bleu nuit, tendaient à devenir mauves, le rouge caractéristique des vampires tendant à engloutir ses yeux, soutenu par les pensées sombres qu’elle avait en tête.

Se rendant compte juste à temps qu’une fleur dans le vase posé sur l’appui de fenêtre commençait à se flétrir par manque d’eau, elle se ressaisit. Passant une main dans ses cheveux pour se remettre les idées en place, elle sourit en entendant le ton employé par son Vice-Président de Night Class, elle espérait que son petit écart lui avait échappé. Mais elle savait aussi que c’était beaucoup demander.

« Mon pauvre Ichijo. J’irai rendre visite à ce cher Aido plus tard. » répliqua-t-elle en lui faisant un clin d’œil complice. Il était courant qu’Aido se fasse réprimander. Sora s’amusait toujours lorsqu’elle voyait Kaname le réprimander pour telle ou telle chose, elle s’assurait d’être à chaque fois présente pour en rajouter une petite couche et partir sans attendre son reste.

Elle prit un air des plus innocents quand il essaya tant bien que mal de lui faire la morale. Un petit sourire malicieux ornait ses fines lèvres. Elle s’attendait à cette réaction, et elle n’avait pas été déçue. Exactement ce à quoi elle pensait. Elle décida de rentrer dans le jeu, disant la vérité, une vérité qui pouvait être interprétée très différemment de ce qu’il s’était passé.

« Ce n’est pas mal tu sais Ichijo. Le respect est de mise pour les deux races. En aucune façon je ne pouvais le tolérer plus longtemps. » Elle se leva et et se dirigea souplement vers la fenêtre. Mettant ses mains dans le dos, elle se tourna légèrement vers lui : « N’est-ce pas cela montrer l’exemple ? ». En inclinant légèrement la tête comme une petite fille, contenant tant bien que mal son fou rire en voyant sa mine décomposée.