Pénible. C’était le seul mot qui convenait à la situation. Quoiqu’il y avait aussi suffocant, fatigant, éprouvant. Quelle magnifique journée que voilà pour les humains. Oui pour les humains, pas pour les Vampires. Il faisait plein soleil, pas un seul nuage dans le ciel et pour couronner le tout, pas un seul coin d’ombre assez grand que pour protéger la Reine d’Argent.

Habillée d’une légère robe orange en voile, elle tenait délicatement une petite ombrelle, tentant tant bien que mal de se protéger des rayons du soleil. Sora marchait sur un chemin de terre sèche depuis une bonne heure. Elle était fatiguée. Ses yeux étaient ternes, sa peau encore plus translucide qu’à l’accoutumée.

Sora avait une apparence de jeune fille malade. Il n’en était rien, mais beaucoup d’humains ne connaissant pas sa véritable nature la prenaient comme telle. Que pouvait-elle y faire ? Elle ne possédait pas la capacité de changer d’apparence. Elle possédait le contrôle de l’eau. De l’eau, Sora pouvait en créer. Mais elle risquait de s’affaiblir plus que nécessaire. Non seulement, elle était sous le soleil, l’Astre opposé à la Lune, son propre Astre. Mais en plus, elle n’avait plus bu de ce délicieux nectar que ses homologues vampiriques et elle-même chérissaient. Depuis qu’elle était arrivée à l’Académie, elle n’avait plus vraiment eu le temps de se nourrir comme il se devait. Et comme elle rechignait à prendre des Blood Tablets, pourtant utiles et nécessaires à la cause qu’elle prônait, ses repas en avaient été fort limités et ses forces diminuées.

Un pied devant l’autre. Un peu de poussière soulevée. Cette poussière chauffée par le soleil puis transportée par le vent. Un petit cycle que Sora voyait se répéter depuis une heure. Elle s’arrêta. Ne marchant plus, ne bougeant plus. Le cycle était rompu. Quoique le vent sévissait toujours. Il caressait son dos et ses mollets. Douce brise. Souffle qui se mit à porter une feuille. Il n’était pas si faible que ça. Sora suivit cette feuille du regard.

Elle aurait pu établir un autel d’adoration pour cette feuille. Un coin d’ombre au pied d’un arbre. Sora pensait ne plus jamais voir ce tableau. Elle exagérait mais elle n’avait pas l’habitude d’être autant éprouvée. Pourquoi son informateur avait-il voulu la voir en pleine journée ? Connaissant qui plus est sa condition ? Elle l’aurait en retour et n’en resterait pas là. Malheureusement pour elle, elle avait besoin de ses informations.

Elle lâcha son ombrelle sur le chemin, au soleil, et arriva en un temps record au pied de l’arbre. Elle se colla dos à lui et instinctivement, lui pompa de l’eau. Pas trop, juste ce qu’il fallait pour qu’elle se sente mieux. Un petit peu mieux. Lentement, elle se laissa glisser, dos contre écorce et s’assit. Elle regarda le soleil à travers le feuillage et sourit :

« Tu ne m’auras pas eue cette fois. » dit-elle de sa douce voix.

Il ne lui restait plus qu’à attendre que son informateur passe par ce chemin. Si Sora ne se savait pas capable de se défendre, elle n’aurait jamais accepté toutes ses conditions. Elle ne connaissait même pas l’endroit et l’heure exacte. C’était fort aventureux de sa part. Mais après tout, ne cherchait-elle pas à déjouer la monotonie de son existence ?

L’impatience.

C’est un sentiment que Sora n’avait que très peu ressenti au cours de sa longue existence. Etant d’un naturel calme, la patience était de pair avec ce qu’elle était. Mais à ce moment précis, les conditions étaient telles qu’il naissait au plus profond d’elle, telle une graine arrosée d’un engrais magique la faisant pousser et grandir anormalement vite.

Soleil, plein milieu de journée, faim, soif, fatigue… Tels étaient les engrais utiles à la poussée exponentielle de son impatience. Et surtout le retard de son informateur. Mais était-il réellement en retard ? Sora ne le savait guère. Il ne lui avait indiqué que ce chemin. Pas de lieu précis, pas d’heure précise. Heureusement qu’un Sang pur avait tout le temps qu’il souhaitait s’accorder. Toujours était-il qu’elle s’impatientait.

Elle se leva et commença à tourner autour de l’arbre, comme si ce dernier allait lui donner la solution à ce problème. Un tour dans un sens, un tour dans l’autre… Une main passée dans sa longue chevelure argentée. Un souffle d’ennui… Puis, un bruit. Et la voilà de nouveau assise au pied de l’arbre, comme si de rien n’était. Et enfin l’odeur. Une odeur familière.

Yuuki venait d’apparaître dans le champ de vision de l’Argentée. Elle lui demanda ce qu’elle faisait ici. Sora lui sourit et répondit ironiquement :

« Je profite du Soleil. »

Elle se releva pour s’incliner dans les règles et demanda à son tour :

« Et toi, que fais-tu si loin de l’Académie ? »

Mais elle se désintéressa très vite de la réponse que Yuuki aurait pu lui donner et darda son regard glacial sur le chemin. Une troisième personne venait d’arriver. Et pas n’importe qui, un Hunter. Que Sora pouvait-elle espérer de pire ? Que son informateur arrive à cet instant précis également ? Ce serait fâcheux, oui.

Il s’adressa à elles. Sora ne put d’empêcher de le toiser de haut en bas, son regard bleu nuit étudiant chaque parcelle de la silhouette masculine.

« Pour ma part, je profite du Soleil. » dit-elle sur un ton moqueur. Toute personne la connaissant, sachant pertinemment qu’elle supportait moins bien le Soleil que les autres Sang pur.